dimanche 3 avril 2016

MOURIR, OUI MAIS COMMENT ?

Comment souhaitez-vous mourir ?
Subitement et sans souffrir !
Tiens, vous aussi ?   
Nous avons eu l'opportunité d'aborder récemment cette question avec Axel Kahn, docteur en médecine et généticien bien connu.  



A l'instar d'un autre grand marcheur populaire, le député Jean Lassalle, Axel Kahn a traversé la France à pied sur deux longues diagonales.  
Par son métier de médecin, il a côtoyé souvent la mort des autres. Sur les épreuves de son chemin, il a pensé à la sienne à quelques reprises. Il a même espéré, un soir perdu en montagne, qu'un coup d'orage bien ciblé vienne le libérer de ses souffrances. Mais son heure n'était pas venue.

COMMENT FINIR SA VIE?  

Voilà un thème qui torture désormais notre société devant le démantèlement du milieu familial qui en assurait paisiblement l'accompagnement.  

La loi dite "Léonetti" du nom de son député-initiateur a pour intention de définir quels seraient les droits des malades arrivant à ce moment fatal de leur existence. 

Comment cet abandon familial de l'individu, au moment où il devient le plus vulnérable, nous a-t-il imposé à devoir cadrer désormais par la loi les conditions de l'accompagnement des personnes en fin de vie ?

 LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE : LA DÉFINITION "LEGALE" DE L'EUTHANASIE 

La sédation continue consiste en l'injection d'un cocktail médicamenteux à même d'abaisser le niveau de conscience d'un malade en phase terminale jusqu’à son décès de façon à apaiser les douleurs pouvant apparaître à un certain moment. On parle de sédation profonde lorsque l’éveil du patient est rendu impossible par la posologie administrée. 

N'avons-nous pas ici l'expression d'une monstrueuse hypocrisie ?    

L'euthanasie est-elle donc autre chose qu'endormir définitivement une personne... en présumant que c'est bien sa maladie qui finira par l'emporter dans son sommeil ? 

Alors, puisque le sommeil est irréversible, pourquoi ne pas convenir d'en finir tout de suite ? 

Cet aspect de la question interpelle sérieusement Axel Kahn.

 Nous savons depuis longtemps qu'est en marche la détérioration régulière et continue de notre société.
"La sédation profonde et continue" ne semble être rien d'autre que la définition "légale" de l'euthanasie ?
On a probablement jamais fait pire sur un sujet aussi redoutable que celui de la fin de vie.
L'histoire tragique que traverse le Docteur Nicolas Bonnemaison en est la bien dramatique illustration.
Face à l'incapacité de décision de certaines familles devant la situation irréversible de l'un des leurs, face à l'hypocrisie prononcée par la loi, ce médecin-humaniste a été entraîné dans un piège effroyable, jusqu'à mettre en jeu sa propre vie. 

LA MORT EN TERRAIN ÉTRANGER 

Continuant à s'enfoncer dans le cloaque inarrêtable de sa marchandisation, l'homme "moderne" jette également dans les mâchoires des faiseurs de profit le soin de traiter l'accompagnement de sa mort.

La vague déferlante des assurances-obsèques et des funérariums vient lessiver la plage funéraire. 
On ne meurt plus chez soi.
On ne va plus vers "l'autre monde" en partant de sa maison ou de sa résidence.
On meurt désormais en terrain étranger.

LA SACRALISATION ORDINAIRE DES ANCIENS  

Un certain nombre de "peuples premiers", tels que les indiens d'Amazonie, témoignent encore dans leur sagesse de la considération qu'ils gardent aux anciens :  

"Pour nous les vieux sont sacrés. Nous ne les abandonnons jamais. Ce sont nos ancêtres, nous les accompagnons. On les soigne jusqu'au bout. Il n'y a pas d'endroit pour les vieux ici. La famille s'en occupe jusqu'à la fin. Nous devons nous rappeler de tout ce qu'ils ont fait pour nous de la naissance jusqu'à notre vie d'adulte."


Il est probable que nous soyons déjà devenus étrangers à de telles considérations pour nos anciens à nous.
Nous aurions donc atteint un point de non-retour.
C'est pour cela que nous inquiétons autant de notre propre fin, lorsque notre âge s'avance et nous conduit inexorablement vers la sortie.

La contrainte imposée par la loi à ceux qui auront à en décider nous préservera-t-elle de l'indifférence, du déshonneur, voire de l'abandon ?
C'est devant cette crainte qu'est évoquée régulièrement le droit pour un individu de décider lui même du moment et de la manière dont sa vie doit prendre fin.

Ce droit à l'autodétermination est déjà protégé par la Convention Européenne des Droits de l'homme. Il est déjà praticable dans un certain nombre de pays dont la Belgique et la Suisse.
La pratique volontaire du suicide assisté n'est-elle pas la signature finale de ce qui restera l'un des plus grands échecs de la société moderne ?

Une telle hypothèse peut apparaître pertinente à toute personne devant l'insupportable perspective de son déclassement à ne devenir qu'une matière jetable.

Cette considération semble clairement établie à partir du moment où le potentiel "marchandable" de la personne se convertit en une charge pour sa communauté.

Cette communauté à laquelle chacun semble  pourtant  appartenir... jusqu'à sa fin. 
Avons-nous réellement peur de la mort?
"C'est que je n'ai pas peur de mourir, déclare Woody Allen, le génial réalisateur, scénariste et acteur américain, je voudrais juste ne pas être là quand ça arrivera" 
Et nous, devant autant d'insupportables incertitudes, ne préférerions nous pas également... ne pas y être ? 

Après avoir tenté une réflexion sur la mort des humains dans notre société, une autre question tout aussi prégnante nous rattrape : 
- Comment souhaitons-nous, non seulement mourir, mais... finir notre vie ?
- La course à l'espérance de vie s'imposera-t-elle encore longtemps à l'espérance de santé ?    
A suivre donc prochainement.

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